lundi 11 janvier 2016

Le tutorat dans les moocs, cela fonctionne !





Dans de nombreux moocs, le tutorat reste le parent pauvre et n’est même pas toujours considéré comme utile par leurs initiateurs. Les arguments développés par ceux-ci pour ne pas mettre en place des services d’accompagnement restent pourtant assez faibles. 

Il est facile de se réfugier derrière l’autonomie présupposée des apprenants pour ne pas leur offrir des services tutoraux, surtout lorsque l’on ne prend pas la peine de définir ce qu’est un mooceur autonome. Faut-il rappeler que l'autonomie est un processus qui nécessite étayage et désétayage ? (cf. Omelette et couscous. De l'autonomie des apprenants à distance)

Il est curieux d’estimer que le taux de réussite des participants ne peut être un critère d’évaluation de la pertinence des moocs. Ainsi, ce qui est un élément de validation de n’importe quel dispositif de formation ne devrait pas s’appliquer aux moocs sous prétexte que chacun est libre de s’y inscrire. Il serait plus fécond de ne pas persister à faire l'autruche face aux taux d'échec.

Il est de calcul de court terme d’estimer que le tutorat est un coût insupportable pour des dispositifs gratuits. D’une part la gratuité est celle de l’inscription mais surement pas celle de la production du mooc. Ainsi, il apparaît normal de consacrer des budgets, parfois importants, pour la production des ressources, mais il serait impossible de prévoir un budget pour l'animation. Cela est-il autre chose que de l'inconséquence ? D’autre part, l’ignorance que le tutorat peut dégager des bénéfices est grande. Or, à partir du moment où le tutorat fait réussir davantage d’apprenants, le coût unitaire de la formation diminue d’autant. De plus, comme seuls les participants qui réussissent sont en mesure d’acheter les certifications, il est d’un intérêt évident d’en faire réussir le plus possible pour dégager de nouvelles recettes (cf. Les coûts du tutorat et Le tutorat pour améliorer le ROI du e-learning et des moocs).

Il est assez naïf de croire en la pleine autoportance des ressources, au fait qu’elles se suffisent à elles-mêmes et que le processus formatif se résume à leur consultation. Cette croyance est tenace mais ne résiste pas à l’examen des chiffres : EdX indique que « Seuls 9% des inscrits ont vu plus de la moitié du cours, et 5% l'ont validé en entier (cf. L'Etudiant). Une ressource, même la plus parfaite n'est jamais qu'une information mise à disposition  (cf. ce billet de Bruno Devauchelle). Or, le processus de construction de connaissances nécessite forcément une action permettant d'utiliser cette information. L'efficacité de l'action dépend, pour de nombreux apprenants, du soutien qui leur est apporté pour la réaliser.

Il est optimiste de penser que l’évaluation par les pairs est LA solution à l’évaluation du grand nombre et qu’il est possible de faire l’économie de personnes expérimentées en évaluation comme le sont les tuteurs. D’une part, le nombre de personnes acceptant de participer et de bénéficier de l’évaluation par les pairs ne représente qu’une faible partie des mooceurs. D’autre part, cette évaluation ne jouit pas, auprès des apprenants, de la légitimité de l’institution, à plus forte raison s'il y a un enjeu de diplomation. La rétroaction aux travaux par des tuteurs, acteurs dotés de la légitimité institutionnelle, permet à tous les apprenants de se situer et de poursuivre leur apprentissage.

Si le tutorat est si peu considéré par beaucoup d’initiateurs de moocs c’est que ceux-ci évoluent habituellement dans un contexte où la préoccupation de la réussite des apprenants n’est pas centrale : les universités. Quel centre de formation pourrait se prévaloir auprès des organismes financeurs et de sa clientèle d’un taux d’échec dépassant les 40%. En 2013, les universités françaises enregistraient un taux de 46,2% des premières années qui ne passaient pas en deuxième année (cf. etudiant.figaro.fr). Par ailleurs, les pratiques pédagogiques des universités, traditionnellement centrées sur l’enseignement et non sur l’apprentissage, ne les prédisposent pas à investir dans le soutien à l’apprentissage.

Les choses changent dès lors que les moocs deviennent des coocs car si les entreprises sont intéressées par l’impact positif sur leur image que leur procure la production d’un dispositif massif de formation, elles visent également des objectifs tout aussi importants comme le retour sur investissement, le renforcement de leur culture d’entreprise, l’amélioration des compétences de leurs collaborateurs, la détection de ceux d’entre eux ayant un fort potentiel d’évolution, bref, elles replacent la formation dans le champ des ressources humaines qu’il est toujours aventureux de déserter lorsque l'on traite de formation.

Les entreprises sont donc davantage intéressées par l’amélioration du taux de réussite dans leurs coocs et elles en prennent les moyens en mettant en place des systèmes tutoraux. Dans mes missions de conseil et d’ingénierie tutorale, j’ai l’occasion de constater que le tutorat fonctionne dans les moocs, dès lors qu’il est pensé de manière stratégique, qu’il respecte les caractéristiques de la massification des participants en ne cherchant pas à démultiplier les formules qui fonctionnent bien dans les FOAD mais en faisant preuve d’imagination et de conviction. 

J’aurai l’occasion, dans les prochains mois, de faire part plus complètement de ces expériences. Dans l’attente, je renvoie à la présentation de mon service tutmooc et à ma conférence sur l'influence du tutorat sur la persévérance des mooceurs.

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